Voilà une question que vous ne vous posez probablement pas et pourtant…
Réponse en trois histoires vraies personnelles.
Histoire 1 (1979): Monsieur Z consulte son médecin à 39 ans, il fume 3 paquets par jour. A la vu de ses radios du poumon, il lui annonce qu’il va mourir d’ici probablement 9 mois. Choqué le patient demande si il peut s’en sortir s’il arrête: « peut être… il y a une petite chance » répond son médecin. Monsieur Z arrête totalement. Aujourd’hui il a 83 ans.
Discussion: il n’avait rien évidemment mais avait une probabilité de diminuer de 15 ans son espérance de vie. Il lui a sauvé 15 ans. Aujourd’hui ce discours n’est pas jugé éthique, et aucun médecin ne le fait plus, et d’ailleurs on considère qu’il n’y a plus de morale à faire. Une question de 6eme année d’internat de médecine, qui compte pour le concours d’accès aux spécialités: vous voyez votre patient dehors fumer sur sa trachéotomie après sa chirurgie du cancer de la gorge, que lui dites vous? La réponse c’est rien !
Histoire 2 (1996): je fais un stage en radiologie de nuit. Une patiente ayant des antécédents de cancer du sein passe un scanner en urgence pour des maux de tête très importants et d’apparition rapide. On voit des métastases partout dans son cerveau. Le médecin nous dit qu’il ne lui reste probablement que quelques semaines à vivre. Quand il va voir la patiente, elle lui demande très inquiète si elle a des métastases, il lui répond que non, et qu’elle a juste un peu d’eau dans son cerveau. J’étais choqué ! Il me dit que ce n’est pas à lui d’annoncer le diagnostic mais au médecin qui la suit car il pourra lui proposer un traitement adapté (en l’occurence ici pas grand chose), et que c’était préférable de ne pas l’inquieter entre ce soir et quand elle verrait son médecin car on ne sait pas ce qu’ils pourraient avoir comme comportements (suicide, tirer sur une foule…).
Discussion: je comprend sa posture mais je pense qu’on pourrait avoir une communication un peu différente aujourd’hui.
Histoire 3 (2023) beaucoup plus légère. Un patient consulte pour des douleurs d’épaule trainant depuis 6 mois, il fait 30 séances de kiné qui aident un petit peu mais ses douleurs reviennent après moins de 24h. Le kiné masse l’épaule. Finalement après mon bilan, il s’avère que c’était sa nuque qui empêchait son épaule de fonctionner correctement et son épaule n’avait rien. À la fin de la séance l’amplitude était retrouvée et son mouvement c’était plus douloureux. Discours: vous avez été bien pris en charge par votre kiné et c’est sûrement ce qu’il fallait faire quand vous l’avez consulté à l’époque. Là on a juste fait un peu mieux en allant chercher un peu plus largement autour de la zone.
Discussion: cette histoire n’est pas donnée pour montrer la supériorité de l’ostéopathie sur la kiné, et d’ailleurs sur cet exemple et sur le papier, c’est la rééducation qui donne les meilleurs résultats. Sauf que ni son médecin, ni son kiné n’étaient à jour sur le bilan ou diagnostique et sur le traitement. Alors pourquoi mentir? Parce qu’il est contre productif de suggérer au patient qu’il a manqué de clairvoyance en continuant à donner sa confiance dans le traitement administré. On sait que le mettre dans un état d’esprit de culpabilité ou de frustration va augmenter son temps de récupération et qu’au final, ils n’ont pas été bon sur ça mais sont excellent probablement sur d’autres indications.
Alors oui, j’ai une sainte horreur du mensonge que je ne pratique quasi jamais. Mais on fini par mettre des filtres pour le bien des autres. Un peu comme quand quelqu’un se trompe en société sur un sujet dont vous êtes expert et que vous ne dites rien ou même confirmez les dires pour ne pas que celle ci perde la face devant un parterre de personne. Ridiculisez quelqu’un pour rétablir une vérité peu importante et vous vous en ferez un ennemi à vie.
La confiance est le ciment de nos interactions sociales. On ne peut coopérer et vivre que dans la confiance. C’est pour ça que tout le monde a horreur du mensonge. Mais parfois, un petit mensonge sauve des vies, un couple…alors même si personne n’est à l’aise avec ça, il faut savoir rester flexible et toujours trouver à l’instant t, le comportement le plus adapté à une situation pour le bien des gens sans trop trahir ses propres valeurs…
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