19 mai 2023 article Univadis, référence: Sfera A et al. Microbiota-derived psychedelics: Lessons from COVID-19. Adv Clin Exp Med.2023;32(4):395-399. doi: 10.17219/acem/159477.
Le microbiote intestinal produit des substances hallucinogènes endogènes qui en agissant sur les récepteurs cérébraux TAARs ont un effet antidépresseur et neuroprotecteur.
Mais des doses plus élevées relarguées du fait d’une altération de la barrière intestinale aurait un effet neurotoxique et favoriserait la survenue de psychoses.
D’autres éléments microbiens présents dans le tube digestif, à l’instar du virus SARS-CoV-2 ou de certaines substances bactériennes, en plus d’augmenter la perméabilité intestinale, ont un effet génotoxique, orientant la microglie vers un phénotype neurotoxique et la destruction aberrante de neurones viables.
De nombreuses interrogations demeurent et les auteurs soulignent la nécessité de mieux comprendre l’effet antidépresseur, ainsi que les sources non microbiennes de ces hallucinogènes endogènes.
Pourquoi est-ce important ?
Le psychiatre allemand, Emil Kraepelin (1856-1926), avait le premier envisagé le rôle du microbiome et de ses métabolites dans la physiopathologie des maladies psychiatriques sévères. Il a depuis été découvert que le microbiote produisait des substances hallucinogènes sérotoninergiques à partir du tryptophane, telle la tryptamine, capables de passer la barrière intestinale et hémato-encéphalique, et d’agir sur des récepteurs cérébraux spécifiques même à de très faibles concentrations (TAARs, Trace amine-associated receptors). Dans un éditorial de la revue Advance in Clinical and Experimental Medicine, des chercheurs américains et de l’International Agency for Research on Cancer (IARC) à Lyon, font le point sur les liens établis entre microorganismes intestinaux et leurs métabolites d’une part et développement de pathologies psychiatriques d’autres part.
Des relations étroites entre pathogènes et maladies psychiatriques
Les données de la littérature ont montré que près de 20% des sujets ayant eu un COVID-19 ont développé des troubles anxieux ou dépressifs et que près de 3% ont développé une psychose. Ce lien pourrait s’expliquer par le fait qu’en plus du stress psychosocial associé à la maladie, le virus en lui-même augmenterait la perméabilité des barrières intestinale et hémato-encéphalique et favoriserait la translocation de marqueurs microbiens dans la circulation générale, marqueurs qui ont pu être par ailleurs associés à des pathologies psychiatriques sévères. Des symptômes psychiatriques avaient déjà été associés à Escherichia coli au cours de précédentes épidémies et il avait été montré que des antigènes de la bactérie étaient capables d’induire une action neurotoxique de la microglie conduisant à une perte de matière grise chez les patients. Et à l’inverse, une action neuroprotectrice de substances hallucinogènes endogènes, produites par le système nerveux central ou issues du microbiote comme la N,N-diméthyltryptamine (DMT), avait pu être mise en évidence.
Le double rôle des hallucinogènes endogènes
Les chercheurs présument que les substances hallucinogènes sérotoninergiques comme la DMT pourraient, à très faible dose, avoir un effet antidépresseur médié par les TAARS en provoquant des altérations génomiques limitées capables d’activer les mécanismes de réparation de l’ADN, ce qui favoriserait la neuroplasticité et désactiverait la microglie neurotoxique. Alors que des doses élevées de tryptamine ou de DMT relarguées dans la circulation du fait d’une barrière intestinale altérée, activeraient les récepteurs 5HT2A cérébraux, occasionnerait des lésions génomiques plus importantes et irréparables conduisant à la mort cellulaire et au développement d’un phénotype neurotoxique de la microglie. Celle-ci qui s’attaquerait alors de façon aberrante à des neurones viables et favoriserait la survenue de psychoses.
Effet génotoxique de certaines substances bactériennes
Par ailleurs, certaines espèces d’E. coli et de M. morganii capables de sécréter des substances génotoxiques (colibactine et indolimine respectivement) ont été impliquées dans la physiopathologie de la schizophrénie, soulignant le lien entre altération du génome et pathologies psychiatriques. Au-delà de leur effet génotoxique, colibacine et indolimine augmentent la perméabilité intestinale et facilitent la translocation d’éléments microbiens de la lumière intestinale vers la circulation générale et les organes de l’hôte. Ces molécules pourraient également réactiver des virus latents du microbiote intestinal (Epstein-Barr Virus, bactériophages) et contribuer ainsi à l’évolution vers des pathologies psychiatriques.
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